Éditos de l’Association
Un temps désorienté : du présentisme à l’Anthropocène
Avant même le Covid 19, « incertitude » était en passe de devenir le mot de la décennie qui s’ouvrait. Si la pandémie, [mesurée par le World Incertainty Index (indice mis au point par des économistes)], a marqué, en 2020-21, un pic d’incertitude à travers le monde, de nouveaux facteurs sont apparus depuis. Entre autres, depuis le 24 février 2022, la guerre en Ukraine lancée par la Russie, depuis le 7octobre 2023, la guerre entre le Hamas et Israël, avec leurs effets locaux, régionaux, mondiaux, et, depuis le 20 janvier 2025, le retour de Donald Trump au pouvoir, le tout sur fond d’un dérèglement climatique s’accélérant (vagues de chaleur, incendies, cyclones, inondations, pénuries d’eau…). Nous sommes donc confrontés à une accumulation de plus en plus rapide de facteurs d’incertitude, dont les médias et les réseaux sociaux se font, à tout instant, les échos et les propagateurs. Comme si s’était enclenchée une spirale grosse de menaces, que nous savons identifier mais que sociétés et Etats, ballottés d’une injonction contradictoire à une autre et prises dans les rets de l’urgence, se montrent incapables de maîtriser. Face à l’entrée dans un régime d’incertitude généralisée, les inquiétudes grandissent, tandis que prospèrent, comme toujours dans de telles situations, les prophètes de malheur, les marchands de peurs et autres exploiteurs d’anxiété …
Entretien avec François Hartog
Entretien avec François Hartog, historien, auteur d’une réflexion originale sur la perception du temps de l’antiquité aux sociétés contemporaines.
Article publié dans la revue Le Grand Continent, en juin 2025. https://legrandcontinent.eu
Il existe une vision ancestrale de l’homme comme une créature à la fois faillible et perfectible. Vous citez dans votre livre Partager l’humanité Pic de la Mirandole qui écrit :
«Si nous ne t'avons fait ni céleste, ni terrestre, ni mortel, c'est afin que, doté du pouvoir arbitral et honorifique de te modeler et de te façonner toi-même, tu te donnes la forme qui aurait ta préférence. Tu pourras dégénérer en formes inférieures qui sont bestiales ; tu pourras, par décision de ton esprit, te régénérer en formes supérieures qui sont divines»[1].
Pourquoi la liberté émerge-t-elle comme la valeur centrale de l’humanisme
Gaza : Dynamiques de pouvoir et restructuration du Proche-Orient
Joseph Maïla, analyste géopolitique nous a livré un exposé détaillé des dynamiques de pouvoir au Proche-Orient, mettant en lumière le rôle central des États-Unis, la marginalisation progressive de la Russie, la tentative d'influence de la Chine, et la recomposition des rapports de force régionaux autour de la crise de Gaza.
La conférence a exploré les dynamiques géopolitiques complexes et les violences au Proche-Orient, en se concentrant particulièrement sur la crise de Gaza, aujourd’hui centrale, et ses vastes répercussions.
Un sujet brûlant dont l'actualité de ces derniers jours ne laisse pas présager de résolution immédiate... (la conférence a eu lieu quelques heures avant l’offensive militaire israélienne sur l’Iran).
Guerre en Ukraine : société russe et perspectives géopolitiques
La réunion, animée par Olivier Mongin et Bruno Aubert, s'inscrit dans la continuité des rencontres précédentes portant sur les grands enjeux géopolitiques actuels, notamment la guerre en Ukraine et la situation au Proche-Orient. Il a été rappelé qu'une prochaine réunion, prévue le 12 juin, sera consacrée au Moyen-Orient, avec l'intervention de Joseph Maïla. La session du jour se concentre principalement sur la Russie, l’Ukraine et les dynamiques du pouvoir russe, avec la participation des spécialistes Jacques Rupnik, Michel Eltchaninoff et Olga Medvedkova.
Le débat s’est articulé autour de trois axes principaux : le poutinisme, la transformation des sociétés russe et ukrainienne, et les répercussions géopolitiques en Europe centrale.
Considérations sur l’attaque du 7 octobre et ses conséquences
Paul Ricœur est à l’origine de la notion de « consensus conflictuel » : pour lui, le partage d’un socle de règles est un préalable indispensable à l’expression de désaccords en démocratie. Dans cet état d’esprit, l’Association Paul Ricœur s’est penchée, fin 2022, sur le débat public autour de la fin de vie tel qu’il se mettait alors en place, trois mois seulement après qu’Emmanuel Macron avait annoncé la mise en place d’une Convention citoyenne sur la fin de vie, ouvrant la voie à une évolution de la loi Claeys-Leonetti de 2016.
Les mots « Rouss », « Russie », « Ukraine », « Res publica des deux Nations »
Lors de sa leçon d’histoire télévisée de juin 2021, le président Vladimir Poutine avait préparé les esprits à sa future opération spéciale en démontrant qu’Ukrainiens et Russes ne font qu’un seul peuple, que la langue et la culture ukrainienne n’existent que comme une variante provinciale de la culture et de la langue russes. Et comme on ne fait pas la guerre contre soi, l’opération militaire pour reprendre la main sur l’Ukraine ne pouvait pas être baptisée « guerre ». C’était le retour de l’Ukraine au bercail. Les questions de mots sont ici fondamentales, surtout quand un pays souffre, comme j’ai voulu montrer dans mes Sites de la mémoire russe, d’une hypermnésie généralisée doublée d’une amnésie profonde. Et les appellations « Rus’ », « Rossia », « Ukraina » méritent qu’on les explore à fond.
Fin de de vie ou abolition de la souffrance ?
À la demande de l’Association et dans le sillage de sa participation à notre débat sur la fin de vie en janvier 2023, Michaël Foessel, professeur de philosophie à l'École polytechnique, nous livre ses réflexions sur ce thème d’actualité. Ci-dessous un extrait d’un article à paraître prochainement dans la revue Esprit.
Retour sur la réforme des retraites
Pendant trois mois, de la mi-janvier à la mi-avril, le pays a connu un conflit social sans précédent, autour du projet de réforme des retraites proposé par le gouvernement. Beaucoup a été dit, et dans plusieurs directions sur ce conflit. Si on se permet d’y revenir, c’est parce que certaines questions fondamentales concernant notre modèle social, nos institutions et la méthode de gouvernement y ont été à l’œuvre.
La démocratie face à la violence
M’accordant avec le texte de Joël Roman sur la réforme des retraites, une loi passée en force contre une large majorité de l’opinion car elle ne pouvait pas s’appuyer sur le critère de l’âge en raison même de la diversité des situations, je me propose de mettre en scène, non sans faire écho à la pensée politique de Paul Ricœur, des interrogations portant sur le devenir historique de la démocratie en France et en Europe. Dans cette optique, je privilégierai, dans le contexte hexagonal fort troublé et inquiétant qui va de l’élection présidentielle de 2017 aux émeutes urbaines de juin 2023 en passant par la deuxième élection présidentielle de 2022, une constellation de problèmes : ceux-ci portent sur la violence, sur la politique considérée comme « la sphère des sphères » de l’agir, dans la mesure où cette superstructure n’est pas réductible aux infrastructures économiques, mais aussi sur la démocratie d’opinion et sur l’Europe.
L’ordre anti-terroriste et ses paradoxes
En ces temps de guerre en Europe, il n’est pas inutile d’examiner la place centrale qui est donnée au terrorisme dans la prise en considération de la violence qui se propage aux diverses échelles territoriales. Ce terme utilisé à tout bout de champ, instrumentalisé à tort et à travers, permet en effet de comprendre beaucoup des transformations en cours à l’échelle nationale ou mondiale.
La guerre du Kremlin et ses conséquences pour les Ukrainiens, les Russes et les Européens
À la suite de son Assemblée générale, le 29 septembre dernier, l’Association Paul Ricœur accueillait la politologue Marie Mendras, chercheuse au CNRS et au CERI-Sciences Po, spécialiste de la Russie post-soviétique. L’occasion, quelques sept mois après son déclenchement, de tirer de premiers enseignements de la guerre en Ukraine.
Narrativité idéologique
« La transition écologique en manque de récit », titre l’éditorial du Monde des 23-24 octobre derniers. La référence à la mise en récit comme adjuvant, voire substitut, à l’argumentation est en effet devenue récurrente dans la rhétorique politique, médiatique, managériale ou encore publicitaire.
Le spectre de la dissolution
La situation politique que connaît notre pays, depuis les élections législatives de juin 2022, sans être totalement inédite (déjà en 1988, le gouvernement de Michel Rocard ne disposait que d’une majorité relative), est toutefois singulière : en effet, en n’accordant pas la majorité absolue à la coalition présidentielle, le corps électoral s’est affranchi de la règle tacite qui avait justifié, lors du passage au quinquennat, l’inversion du calendrier électoral et placé les élections législatives dans la foulée de l’élection présidentielle, ce qui était censé assurer une majorité automatique au président élu.
Quel retour du politique ?
Les événements inquiétants qui se succèdent rapidement – Covid, guerre en Ukraine, dérèglement climatique… – ne sont pas sans agir sur une opinion publique inquiète et désorientée. Pourtant, l’emporte discrètement en cette rentrée 2022 l’idée de sobriété qui, ayant des résonances multiples dans les divers domaines de la vie en société, laisse entrevoir des avancées plus rapides que prévu en faveur de la transition énergétique ou climatique.